Les entreprises se développent souvent par paliers. Les phases de croissance ou d’hyper-croissance, font place à des phases de stagnation, voire de légère régression. Ces phases sont des phases de transition, où l’on ne peut plus progresser en utilisant les mêmes recettes qu’auparavant.
Ces paliers son normaux, mais aussi nécessaires. Ils permettent de changer les méthodes et préparer la prochaine phase de croissance dans les meilleures conditions. Tout l’enjeu va être de raccourcir au maximum les phases de stagnation en les exploitant pour se poser les bonnes questions.
Les points de passage
Cette logique de paliers se retrouve dans les ESN et sociétés de conseil. On peut notamment observer plusieurs points de passage sur lesquels peuvent se heurter les dirigeants.
En voici deux exemples, qui sont de mon point de vue des points de passage charnières.
Le passage d’agence à entreprise : à ses débuts, une structure repose quasi exclusivement sur le talent de son/ses fondateur(s) : leur énergie, leur personnalité, leur capacité à porter le projet. C’est précisément ça que l’on appelle une agence. On génère la croissance en organisant l’entreprise autour de ces talents, pour qu’ils puissent générer davantage en se concentrant sur leur compétence et leur savoir faire unique et en les déchargeant de tout le reste. Mais à un certain stade, même très organisés, même très entourés, les talents primaires de l’agence arrivent au maximum de ce qu’ils peuvent délivrer. Pour continuer à croitre, il faut dupliquer le talent, le transmettre en quelque sorte… Le talent doit alors se transformer en process, en méthodes, en organisation et en valeurs.
Le passage d’entreprise à Groupe : à ce stade, le business est relativement unifié avec une marque et une culture communes. Lors du passage vers le Groupe, les activités se complexifient, l’offre se scinde en plusieurs marques, voire on rachète une structure. Il faut alors faire coexister & communiquer plusieurs cultures. Il est primordial de définir les incontournables qui les relient. Et travailler à la matérialisation de ces incontournables.
Chaque palier implique de réinventer les process et les méthodes. Le risque : ne rien faire, et reculer. Les objectifs de croissance ne sont plus atteints, un plafond de verre se met en place et il s’abaisse à mesure qu’on échoue à le transpercer, car les espoirs sont déçus et les talents n’y croient plus.
Le symptôme n°1 dans les ESN & Sociétés de conseil : les ressources allouées « normalement » pour la croissance, servent finalement à maintenir à flot l’existant.
Je vous partage donc mes cinq incontournables pour consolider l’existant tout en allant chercher la croissance :
1. Mettre en place des process managériaux
Vous êtes les champions des process d’acquisition.
Les IA/BM sont formés dès leur arrivée pour garantir leurs bonnes performances. Vous avez cadré dès les débuts des métriques, des objectifs, des bonnes pratiques et des analyses pour garantir l’atteinte des objectifs collectifs. Vous avez construit un entonnoir : combien d’appels aboutissent sur combien de rendez-vous, qui eux-mêmes déclenchent un nombre de signatures. Il existe une ‘call logic’ qui fait ses preuves. Ces données sont connues et font partie d’un process d’amélioration continue.
Vous avez aussi entièrement structuré votre marketing : cible, discours, positionnement, taux journalier moyen etc… Et l’approche recrutement qui en découle : volume, profils, cible partenariats, nombre de recrutements sur profil…
Qu’en est-il alors de vos process managériaux ?
Vos process managériaux suivent-ils le même schéma ? Un IA/BM sait-il combien de temps allouer au management ? A-t-il reçu une formation spécifique ? Est-ce que les process sont rédigés, cadrés et appliqués ? A-t-il des objectifs liés à sa pratique managériale ? Est-ce que l’atteinte des objectifs constitue une part de son variable ?
Le management ne s’improvise pas, mettre en place des rituels est essentiel à la pérennisation du lien et à la pertinence du suivi. Les process managériaux valorisent, responsabilisent et motivent les collaborateurs, mais doivent être animés et encadrés.
Structurer l’approche permet de donner de la méthode et assurer un même niveau de suivi quel que soit le profil managérial (junior, expérimenté ou senior). Et c’est valable pour les IA/BM avec leurs consultants mais aussi pour les DA avec les IA/BM ou avec les RR.
Il peut alors être très utile de matérialiser ces processus managériaux (point de suivi, auto-évaluation par les consultants, Rapport d’Avancement Projet…) grâce à des outils digitaux, en particulier si l’on commence à être nombreux et dispersés sur le territoire.
Matérialisez, mesurez, pilotez vos processus managériaux ! In fine, ils donnent un cadre et un rythme au pilotage de l’activité de l’entreprise. Plus important encore, ils assurent la pérennité et l’épanouissement de leurs équipes et consolident aussi l’existant.
2. Gérer 50% du lien consultants par le corporate / 50% par le management
Si je grossis le trait, la seule chose qui lie le consultant à sa structure d’origine c’est sa fiche de paie et son manager. Pourtant les managers ont aussi d’autres priorités, liées à leurs multiples casquettes (business, recrutement, suivi client, reporting…). Comme on vient de l’évoquer, je vous recommande fortement d’être forts sur vos bases en termes de processus managériaux. Mais soyons aussi pragmatiques et lucides. Vos managers ne sont pas des super-héros. Et dans leur quotidien, pour peu que le business soit en berne, le management est très souvent la variable d’ajustement.
C’est souvent pour palier à ces “disparitions temporaires” des managers que les services communication et/ou qualité sont créés : pour prendre en charge le maintien du lien avec les équipes au niveau corporate, ou tout du moins une partie de ce lien. Cela ne se substitue pas au lien local et managérial, mais permet d’assurer une continuité et de gommer les disparités de compétences et de soin de la part des IA/BM.
La bonne nouvelle, c’est que ce lien par le corporate peut être très puissant et très efficient. Nous avons chez Ambassadors App de nombreux exemples et de nombreuses preuves. En particulier, on peut évoquer l’expérience chez Akka Technologie où pendant plusieurs années, les consultants ont développé un lien très étroit avec l’entreprise “en direct”, sans passer par le manager, sur des logiques de cooptation, de renseignement commercial, de partage technologique. Cocktail gagnant matérialisé au quotidien dans une app (60% de l’effectif France était alors actif plusieurs fois par mois), mais aussi “dans la vraie vie” avec un tour des agences annuel, organisé sur le temps de travail, et animé par le Codir France.
Pour que le corporate prenne vraiment sa part, cela nécessite une approche orientée résultats : autrement dit, chercher l’impact, chercher l’audience, chercher le lien tout simplement. Trop souvent malheureusement on voit des équipes communication ou qualité ou RH qui ont un peu “baissé les bras” : on travaille la qualité de nos événements, de notre intranet, de telle newsletter, mais on décide de ne plus regarder l’impact car il est décevant. Ce n’est pourtant pas une fatalité !
Persévérez ! Créez des canaux de communication dédiés pour garantir un maintien du lien constant. Animez, sollicitez et valorisez cette participation auprès de vos collaborateurs ! J’en parle plus en détails dans cet article.
3. Passer du ressenti à la mesure
Combien de fois se rend-on compte qu’un collaborateur est malheureux le jour où cette personne démissionne ?
Garantir un existant c’est gérer des risques (la croissance quant à elle revient davantage à gérer des opportunités).
Ces risques seront mieux gérés s’ils sont anticipés. Mettez en place des dispositifs d’alerte et de mesure. Ces dispositifs peuvent s’intégrer à vos process managériaux (cf point 1), et permettent de détecter les signaux faibles de façon quasi systématique.
Concrètement permettre à un collaborateur de :
- rédiger de façon mensuelle ses feedbacks sur un projet (notation, niveau d’intérêt, conditions de travail…)
- s’investir sur le recrutement
- détecter des opportunités business
- remonter un stress, un mal-être ou une réussite
- signaler ses jours de TT
- participer à des évènements
- alimenter une communauté technique, voire répondre à des demandes d’aide
Ce sont autant d’outils qui mesurent un niveau d’engagement et peuvent servir d’alerte quand ils viennent à varier.
Par exemple : un collaborateur remplissant ses rapports de projet tous les mois, qui commence à manquer ses deadlines. Ou encore, un collaborateur qui augmente ses jours de TT pour éviter de se rendre au bureau. Ou un collaborateur historiquement assidu qui ne participe plus, ou moins, aux évènements conviviaux… sont des signaux qui nécessitent une action rapide afin d’enrayer la mécanique de désengagement.
« On ne gère bien que ce que l’on mesure » : mesurer permet ensuite de creuse, de décider, d’agir !
4. Gagner en productivité
Dans une phase de croissance, on peut accepter des pertes de productivité et de rentabilité car la dynamique emporte tout. Mais quand on arrive sur un palier, il est alors temps de se poser pour améliorer, rationaliser et gagner en productivité.
Des questions se posent alors : sur quoi doit-on gagner ? qui a besoin d’optimiser son temps, son ROI personnel ?
Il existe tout un tas de process qu’ils soient business, managériaux, RH, ou dans une logique de communication sur lesquels il devient nécessaire de se pencher… C’est d’autant plus vrai au moment de la mise en place d’un staff support ou de son passage à l’échelle. Ce qui était fait de manière artisanale prend de plus en plus de temps, et la “débrouille” qui était une force devient un vrai problème.
Par exemple, on peut parler de la fonction « Qualité » qui est en charge de compiler un certain nombre d’informations en vue de les analyser et émettre des recommandations d’actions correctives. Le problème ? Toutes les infos compilées viennent d’agences qui n’utilisent pas les mêmes supports (Excel, PDF, mail …) et ne renseignent pas les mêmes items, ou pas dans le même format, ou pas dans le même ordre. Avant même de pouvoir exploiter l’information, la qualité doit commencer par trier, reporter les données, vérifier qui manque à l’appel…et courir après les retardataires. Efficace ? non ! Optimisable ? Complètement !
Si les fonctions supports doivent assurer 50% du lien avec les consultants (cf point 2), ça nécessite qu’ils ne passent pas 80% de leur temps sur des tâches administratives.
5. Lier les deux enjeux : faire travailler vos consultants pour vous & faire rayonner l’interne
Pour que maintien et croissance marchent ensemble, il faut que l’un alimente l’autre. Trop souvent, (comme expliqué plus haut), c’est la croissance qui vient combler l’existant. Il faut inverser la vapeur : l’existant qui alimente la croissance.
Imaginez au niveau de chaque BM, chaque agence, chaque BU un nombre n de consultants. On sait que mécaniquement par les cooptations, chaque consultant va générer x profils. Cette même entité finira donc l’année avec n + nx profils en ayant utilisé ses ressources existantes. C’est ce qu’on appelle un existant au service de la croissance.
C’est le cas via la cooptation pour attirer et recruter les meilleurs profils, mais aussi sur les autres leviers de votre business model :
Fidéliser et souder les équipes
Faire participer les collaborateurs à l’aventure d’entreprise, (qu’ils soient en assistance technique, sur site ou non), partager les fiertés, les moments d’équipe et les réussites collectives et individuelles permet de créer un sentiment fort d’engagement et rayonne sur la marque employeur.
Être positionné sur les bonnes technologies
La richesse de travailler en société de conseil pour un consultant réside dans le fait d’être en contact avec un certain nombre de personnes qui font sensiblement le même métier. C’est un vivier de connaissance énorme et une opportunité infinie d’échange et de progression individuels mais aussi pour l’entreprise. Favoriser les échanges techniques permet de détecter des tendances et de développer des offres et services avant ses concurrents.
Développer le business
La force de frappe commerciale est indispensable pour garantir la croissance. Cependant, tous les collaborateurs d’une société quelle qu’elle soit sont les premiers ambassadeurs et les premiers vendeurs du produit ou service qu’elle propose. Pour cela, il faut qu’ils aient les connaissances de votre offre, positionnement et expertise, et les éléments de discours qui constituent l’approche.
Le changement de pied, à la fois si simple et si complexe, est de « faire que vos équipes travaillent pour vous ». L’engagement des collaborateurs génère de la performance, et se transforme en valeur pour l’entreprise.
Le triptyque propre à chaque entreprise
En conclusion, ce qui fait à la fois la difficulté et le côté passionnant du développement d’une ESN, société de conseil, et d’une entreprise en général, réside précisément dans cette nécessité de se réinventer régulièrement. Si vous avez aimé nos 5 incontournables ci-dessus (ou même 1 sur les 5 😊), il est intéressant de bien garder en tête que votre entreprise est unique et que les leviers de passage à l’échelle sont aussi à découvrir dans votre contexte spécifique. Il existe en effet un triptyque d’adaptation dont on se sert chez tous nos clients :
- Travaillez toujours vos forces, et toujours ça en premier,
- Détectez vos faiblesses. Distinguez celles qui étaient acceptables à petite échelle mais qui deviennent un handicap majeur en se développant, afin de les corriger,
- Ne laissez ni votre ADN ni la culture de votre entreprise s’éroder à mesure que l’effectif grandit !